Nouvelle parentalité
Pourquoi se former à une nouvelles parentalité ?
En 1990, je m’étais inscrite à une formation pour apprendre à être le meilleur parent possible de nos 3 enfants. Alors que j’en parlais à ma mère (elle aurait maintenant plus de 115 ans), elle me dit : « Mais où est-ce que tu vas passer encore ton temps à te former ? Que vous compliquez les choses. De mon temps, on était parent et on ne se posait pas toutes ces questions. On ne coupait pas les cheveux en quatre à vouloir faire autrement. Les enfants obéissaient et n’en étaient pas plus malheureux. »
Eh oui, maman, tu as sûrement raison. C’était plus facile d’être parent auparavant que maintenant. Mais les temps ont changé ! Et nous les nouveaux parents, on se sent quelquefois démunis.
En m’inscrivant à ces formations, je rêvais encore d’être « la bonne mère » ! Vous connaissez : celle à qui on n’a rien à reprocher !
Actuellement, je découvre que la meilleure parentalité est celle que je dessine au quotidien, en étant le plus possible Moi, en leur permettant d’être le mieux possible Eux et en construisant ensemble notre vie en commun. J’ai donc abandonné l’espoir d’avoir un mode d’emploi tout fait. Hélas !
Le paysage humain s’est transformé lentement, d’abord à travers les siècles avec des moments forts comme la révolution française (liberté, égalité, fraternité), les écrits de Freud (qui met l’accent sur l’individu), les progrès technologiques… Mais c’est surtout depuis la fin du 19ème siècle et le début du 20ème avec ses deux guerres qu’apparaissent les changements qui viennent bousculer la tradition et qui viennent préparer mai 68 où « il est interdit d’interdire » : la sécurité sociale, les congé payés, les antibiotiques, le chauffage central, les appareils électroménagers, le train, le suffrage universel, l’émergence de la psychologie…
Tous ces éléments nous ont permis, petit à petit de ne plus devoir nous préoccuper de nos besoins primaires et fondamentaux de survie et de sécurité. Notre mental a changé !
Ce qui compte ? Ce n’est plus d’avoir sa gamelle remplie.
Ce qui compte, c’est de réussir sa vie.
Ce n’est plus de lutter et se battre pour vivre mais c’est de s’épanouir : « faites l’amour pas la guerre ».
Ce ne sont plus les valeurs du travail et de l’effort qui priment mais les valeurs d’épanouissement et de bonheur.
Nous sommes maintenant devant la gageure de nous occuper à chaque moment de nous-mêmes et de notre bien-être.
Quelle affaire !
Nous sommes quotidiennement appelés à choisir entre les multiples stimuli proposés par l’environnement. C’est difficile ! Et ce, depuis le plus jeune âge, c’est : le WC ou le petit pot ? Ce matin, le pantalon rouge ou le jeans ? L’après midi, l’atelier musique ou macramé ? Ce soir, faire les courses avec maman ou bricoler avec papa ? Quel jouet parmi les milliers ?, Quels amis tu veux inviter ? A quelle école veux-tu aller ?
Les ados : « Qu’est-ce qu’on fait ce soir ? » On regarde la TV, on sort au café, on va au bal ? Oui, mais à quel village car il y en cinq de bals aujourd’hui ! On va danser en boite de nuit ? Auparavant, ils prenaient ce qu’il y avait : kermesse deux fois par an !
Oui, maman, c’était plus simple avant d’être un enfant : on n’avait qu’à se soumettre. Et plus simple d’être un parent : on n’avait qu’à transmettre !
Mais quelle diversité, actuellement. Quelle liberté ! Quelle créativité : comme chacun peut choisir maintenant sa vie. A la limite, il y a autant de points de vue que de personnes existantes.
Nous voilà donc dans un autre monde, une autre vision, une autre conception éducative. Et… on continue d’être les « transmetteurs » des habitudes de la société, du monde dans lequel on vit : « Moi parent, je suis un représentant du groupe social dans lequel tu vis et comme tel, j’ai à te transmettre un code social qui a une certaine invariance et qui te donnera protection et sécurité de la part du groupe. En effet, pour être marginal, il faut être fort et solide. Ce groupe te reconnaîtra comme un des leurs si tu obéis un minimum à ses règles : on ne fait pas caca dans la rue, on roule à droite, on dit bonjour, on ne se promène pas tout nu… »
Et …transmettre : « En tant que chef de famille, je veux former un groupe-famille et je ne veux pas que tu ne penses qu’à toi (que tu ne manges pas quand tu veux, que tu ne ranges seulement ton assiette au lave vaisselle, que tu ne dors pas jusque midi car on apprécie de te voir, que tu ne pars sans nous dire où et jusque quand…).
On est une collectivité et tu en fais partie !
Et ….tu es aussi un individu qui a le droit à ton jardin secret, à ton espace, à tes choix et décisions propres.
Le groupe fera aussi en sorte de s’adapter aux rythmes et besoins de chacun de ses participants.
Le groupe est autant au service de ses membres que les membres ne sont au service du groupe ! La logique circulaire est en place : les besoins de chacun, enfant et parent tournent en boucle. Elle remplace la logique binaire du bien et du mal, du oui et du non, du vrai et du faux, du pouvoir où un commande et l’autre se soumet.
Exemple du rangement de la table : « Nous formons un groupe qui utilisons tous des assiettes et de la vaisselle. Êtes-vous d’accord avec cela ? Oui ? Estimez-vous juste que, puisqu’on l’utilise tous, on participe tous au rangement de la table. Oui ? De plus, je désirerais aussi m’arrêter un peu (pour vaquer à mes affaires ou jouer avec vous ou…),que proposez-vous pour que cela se passe différemment ? »
Une logique où nous l’aidons à réfléchir : « Tu lui prends ce jouet dont tu as envie. Que risque-t-il de se passer ? Comment l’autre va-t-il se sentir ? Comment crois-tu qu’il va réagir ? Comment vas-tu faire pour avoir ce jouet que tu désires tout en respectant qu’il l’ait maintenant ? »
Un mot prend une nouvelle importance : c’est le mot « ensemble » « réciproque » « commun » (heu, ça fait trois mots).
Le mot « communiquer » est un mot à la mode et c’est heureux, non ? Parce qu’on va y écouter l’autre avec l’a priori qu’il a raison ou qu’il a ses raisons et on va s’y exprimer de manière claire et juste car chacun pense : j’ai raison.
Commun-iquer : créer du commun : Par une explication réciproque de nos points de vue et de nos vécus, on construit une solution commune où aucun essaie de prendre un pouvoir abusif sur l’autre, d’imposer son désir individualiste à l’autre : ni nous sur eux, ni l’adolescent ou l’enfant sur nous.
Mélange harmonieux de droits et de devoirs.
Mélange harmonieux d’attentions à la collectivité (et ses règles donc), à mes besoins d’adulte (mes droits individuels), à ses besoins d’enfant en devenir (ses droits individuels) !
Mélange harmonieux d’expression et d’écoute réciproque.
Donc, être parent ? c’est quoi ? C’est être une éducateur : vient du latin « ad-ducere » càd « conduire vers ».
C’est les sortir du narcissisme, du moi et les conduire vers le social avec tout ce que cela veut dire de frustration. Comme parent, nous avons le devoir de leur apprendre la frustration en les y accompagnant.
C’est leur donner :
Une protection suffisante, c’est-à-dire aussi des repères clairs. Et des repères justes pour chacune des parties, adaptés à l’enfant en face de nous, à la famille que nous sommes.
Et cohérents (pas arbitraires), parce qu’on les a réfléchis et éventuellement modifiés. Repères qui structurent, donnent une charpente solide à nos gosses. Faciles donc à leur expliquer puisque cohérents ! L’occasion de développer leur individualité, de choisir.
Quel genre de parent donc être ?
Eh bien cela dépend du genre d’enfant que vous désirez éduquer ! Vous voulez un être obéissant, un débrouillard, un respectueux ?
Heureusement qu’il y a pleins de manières différentes d’éduquer nos enfants pour nourrir le monde de potentiels différents, mais n’abîmons pas, ne jugeons pas, n’étiquetons pas avec des « tu es distrait », « tu es fainéant »…
Respectons et écoutons nos enfants comme des êtres à part entière, mais tout en sachant que ce sont des êtres en devenir qui nécessitent, comme un arbuste, des tuteurs pour prendre une bonne forme.
Ma vision pour conclure ? Nous parents, nous avons à aider nos futurs adultes à se former à : choisir et décider au mieux et pour eux et pour le monde (les autres). Donc à bien se connaître eux même et à bien comprendre, décoder le monde et, comme ce monde change vite, leur apprendre à développer leur créativité pour qu’ils puissent au plus vite s’adapter. Et, comme ce monde change vite et demande des choix perpétuels, il leur faut une solidité et une sécurité intérieure que nous leur proposerons par une protection suffisante et par des règles invariantes.